J'ai voulu me challenger, j'ai voulu vivre intensément cette première expérience en me fixant comme objectif 3h30.
Et je ne suis pas déçu du résultat : je suis passé par tous les états possibles, par toutes émotions possibles.
J'ai vécu tous ces moments intensément :
- la joie du départ, le plaisir de lâcher les fauves, de courir avec autant de coureurs, de courir avec une ambiance de folie !
- la déchéance physique et mentale avec le mur au 30ème et ses kilomètres interminables
- la renaissance grâce à la solidarité, à l'amitié et à l'entraide
- la joie de l'arrivée, d'avoir fini le marathon, de l'avoir fait !
Et tout ça c'est unique ! Merveilleux ! Formidable ! Inoubliable !
J'ai toujours rêvé admiré les marathoniens pour leurs capacités physiques, leur mental pour moi 42,195km est énorme !
Le marathon est une course mythique ! Cette course nous rappelle la mythologie avec les guerres, les dieux, les aventures, les odyssées ... Mais aussi la devise "
Mens sana in corpore sano".
Aujourd'hui j'ai réalisé mon rêve ! Je suis devenu un marathonien ! C’est merveilleux ! Une sensation indescriptible; une sensation, de fierté, de joie, de bonheur, de douleur…
Je vais vous livrer le récit de mon marathon qui est bien évidemment « marathonique ». Vous trouverez ma défaillance au 30ème, les raisons des 24s en trop … J'ai essayé au mieux de retranscrire ce que j'ai vécu, mon expérience.
Bonne lecture …
Prologue
Mes péripéties commencent dès 5h45, je me lève sans trop faire bruit pour ne pas réveiller ma femme, pour aller manger, pour m'hydrater, pour préparer ma potion d'avant course (miel, eau, citron, vitamines).
Ne voulant épuiser mes réserves, à 7h30, j’ai pris le métro pour aller au départ. L’ambiance du marathon commence dès le métro bondé de coureurs. Le conducteur encourage les marathoniens et les futurs marathoniens ! Paris vit à l'heure du marathon, de la course à pied.
Vers 8h je sors du métro, il faut marcher un peu pour arriver aux vestiaires. A l’entrée de la zone vestiaire : bouchon, on s’éternise devant un passage tout étroit et devant moi je vois
Madrunner, une chance sur 40000, génial ! En on s'encourage mutuellement avant d'aller déposer nos affaires.
Comme d’habitude je suis toujours speedé avant la course, après avoir déposé mes affaires, je trottine jusqu’au départ, j’ai sauté la barrière pour me placer dans le sas 3h30. Pas trop le temps de stresser … le départ n’était donné que quelques minutes après.
Le départ a été frissonnant, inspirant, grisant. A une minute du départ les sonos crachent la musique de Chariots of Fire qui me donne la chair de poule, des frisions me parcourent de la tête au pied, je n’ai qu’une envie aller courir, lâcher les fauves ... En deux minutes je suis sur la ligne du départ prêt à affronter le marathon !
Et c’est parti pour une tragicomédie se déroulant en 7 actes !
Acte I : l’euphorie du départ ! La joie de courir.L'euphorie de courir son premier marathon m'envahit, je cours enfin le marathon, je suis en train de réaliser mon rêve!
Avec le repos courir me manquait, j’ai envie de courir, courir me fait du bien et me procure un bien être! Je me fais plaisir les kilomètre se défilent aisément ...
A chaque kilomètre je grignote un peu de temps sur mon objectif de 3h30. Tout se passe super bien... Malgré un rythme cardiaque élevé, je n’avais aucun problème à respirer, j’ai une impression de facilité, à ce rythme cardiaque mes muscles fonctionnent en mode aérobique en consommant du glycogène, mais peu m’importe, je cours en fonction de mes sensations, je suis dans un état d'allégresse. Peu m’importe les conséquences, tout ce que je veux c’est de grignoter des seconds sur mon objectif de 3h30 afin de me constituer un matelas confortable en vue des difficultés en fin de parcours. Cette marge me permettra d’affronter sereinement le mur (réflexion d'un novice qui n’a jamais vécu le mur du marathon).
Au 10 ème km j'ai 54s d'avance. Au 15ème 1minute et demi. L'ambiance était formidable, le public très présent et chaleureux.
Acte II : l'empoisonnement par les dieux de l’Olympe !Pour avoir osé aller défier le marathon, les dieux de l'olympe nous ont proposé un poison, enveloppé dans l’euphorie du départ. Les "vétérans" ont l'habitude et ne se font pas avoir mais le novice, le naïf comme je suis, j’ai goûté au poison, le mal est fait je suis pris au piège.
Le poison commence à faire son effet vers 19ème km. Je sens petit à petit des douleurs aux quadriceps droits, ils commencent à se durcir, la douleur s'intensifie au fil des kilomètres, j'essaie de soulager la jambe droite avec la jambe gauche, mais la douleur ne part pas …au ravitaillement et aux points d'éponges j’essaie de les refroidir mais rien n'y fait.
Malgré ce petit problème j’enchaîne les kilomètres en grignotant du temps. Au semi, j’ai deux minutes et demi d’avance comme prévu initialement dans ma stratégie (mais je n’avais pas prévu que mon rythme cardiaque pouvait être aussi haut).
L’ambiance était extraordinaire au semi, à la porte de Charenton, les spectateurs forment un couloir étroit, cela rappellent les images à la TV lors de la montée des cols au Tour de France, un moment bien grisant et extraordinaire.
Après le semi, je commence à apercevoir des signes similaires aux quadriceps gauche.
Vers 25ème kilomètre, à l'entrée des quais, des voies sur berges et des tunnels mes deux jambes commencent à durcir, j'ai mal aux deux quadriceps! Là je me suis dis je suis mal barré, mais très mal barré ! Ca va être dur !
Le passage dans les tunnels nous offre un beau moment avec les Olés de cris en vague. Mais ces montées et descentes sont dures, usantes !
A partir du souterrain Albert 1er (29ème km), mètre après mètre je sens mes mollets, d’abord le droit, ensuite le mollet gauche. Mon allure est proche de 6’/km. Lors de la petite montée vers la place Varsovie, mes jambes sont au bord de la crampe. Arrivé à la place Varsovie, je n’en peux plus ...
Acte III : le mur ! L’épreuve !A la sortie des tunnels, devant la place Trocadéro, je prends le mur! Je dois m'arrêter sinon mes jambes subissent les crampes. Toutes les muscles de mes jambes sont aux bords de la crispation : quadriceps, mollets, pieds ... J’aperçois les kinés, j'aperçois les coureurs se faire masser; le chant des sirènes !
Je n'ai pas pu résister, j’ai cédé aux chants des sirènes qui nous poussent à s'arrêter à prendre place sur une chaise et à se faire masser pour atténuer les crispations. J'ai l’espoir que tout ira mieux après … comme j’ai un peu d’avance sur mon temps, tout est jouable !
Je m'arrête donc au stand des kinés de la croix rouge, je m’installe à un siège pour me faire masser avec l'espoir de pouvoir repartir sans trop de séquelles, me voilà pris au deuxième piège tendu par les dieux.
J'avais tellement mal aux pieds que j'ai du enlever mes chaussures (heureusement que j'avais mes lacets Xtenex). Les massages ne m'aident pas ! M'arrêter est une grave erreur ! Une terrible erreur ! Une décision fatale ! Repartir est impossible c'est trop douloureux ! Même marcher est pénible. Tous les muscles de mon corps se crispent à la moindre sollicitation : la mâchoire, la langue oui ! la langue, les abdos, les bras, les épaules ...
J’ai lu plein de choses sur le mur, mais là je sais maintenant ce qu’est le mur, et c’est pire que ce que je me suis imaginé ! Pour moi le test de Cooper est une des épreuves les plus durs que je connais en sport, mes poumons, mes jambes me brûlent lors du test. Mais le mur est pire ! Mille fois pire ! Incomparable ! Lors du test de Cooper je souffre que quelques minutes, mais la souffrance du mur c’est interminable… Je ne sais pas si avec un mental en acier trempé en titane je pourrais le surmonter. C’est physiologique rien n’y fait mes jambes sont durs, ses crispent au moindre effort.
C'est la punition des dieux d'avoir osé d'aller défier le Marathon.
Acte IV : la déchéance physique.
Je ne peux que marcher en boitant, j’atteins les stands de ravitaillement sur la place de Varsovie en marchant . Au stand je prends des poignées de raisins secs, des quartiers d'orange. Je suis complètement dépité, comment je vais faire pour terminer la course à l’allure prévue, c’est impossible.
Au 30ème km j’ai 35s d’avance malgré l’arrêt de massage. Mais je suis impuissant, frustré je me sens bien physiquement mais mes jambes ne peuvent plus me soutenir.
Je me force à courir, que c'est pénible ! J'arrive à trottiner un peu. C'est fini je ne peux plus courir à mon rythme initiale, j'ai commencé à avoir une détresse morale mais elle n'a pas le temps de s'installer car la douleur physique est plus fort que tout. Le besoin physiologique est plus fort que tout, satisfaire ses besoins physiologiques, faire cesser la douleur est notre première motivation (cf. théorie Maslow).
Ma femme et mes parents m'attendent à l'avenue Kennedy au 31ème km, grâce à leurs encouragements j'arrive à courir un peu. Mais courir est vraiment pénible et douloureux, chaque pas me fait mal ! Mon allure est bien inférieur à 5’/km. Mon cerveau se bascule en mode de planification à court terme, je veux juste pouvoir placer un pied devant l’autre, je veux juste avancer, me rapproche de la ligne d'arrivée.
J’alterne les moments de marche et les moments de trottinement, je m'arrête de temps en temps pour éviter les crampes, la douleur me pousse à m'arrêter. Redémarrer à courir après chaque période de marche ou d'arrêt est pénible mais je n’ai pas de choix, je serre les dents.
Je n’ai jamais connu ça auparavant dans ma vie de sportif, se forcer à avancer tandis que tout son corps dit STOP, je n'ai jamais vécu cette situation !
On ne peut reculer devant la douleur, il faut avancer coûte que coûte. A 5km/h je mettrais deux heures pour faire les 10 derniers km, le marathon ne sera pas encore fermé … tant qu’on ne m’a pas éliminé je resterai sur la route.
Acte V : la déchéance mentale.
Entre le 31ème et 32ème, le meneur d'allure de 3h30 me dépose littéralement sur place, j'ai impression d'être scotché sur la route impossible de les suivre, j'ai eu impression de voir un train passer ... Complètement déconfit, je suis du regard la bannière 3h30 qui disparaît peu à peu de l'horizon.
Le mur mental : c'est le moment où on se rend compte réellement que son objectif de temps n'est plus possible. Je me remémore des encouragements des lectrices/lecteurs de mon blog mais rien ne peut faire courir.
Puis en suite quelques kilomètres plus loin vers 34ème.Le meneur de 3h45 me dépose, là aussi scotché sur place ... Je me suis dit dans la tête que bientôt je verrai le meneur 4h et Gilles dans le groupe.
Je me sens bien, je ne manque pas d'énergie, seules mes jambes souffrent. On est vraiment impuissant, mais la douleur est telle qu'il est impossible de réagir. Chaque pas est un coup de couteau qui entaille les jambes et le mental. Je n’arrive pas à me pousser, les douleurs ont réduit à néant ma combativité. Même les encouragements des spectateurs n’arrivent pas à me relancer, c’est vraiment super que des inconnus nous interpellent par notre prénom grâce à notre dossard pour nous encourager.
Acte VI : une errance sans fin dans le royaume de Hadès.Depuis le mur, je n'essaie seulement de mettre un pied devant l'autre. Ne pas abandonner; aller jusqu’au bout est ce qui me pousse à continuer, je veux finir mon marathon, je veux atteindre la ligne d’arrivée. Je trottine péniblement en avec des arrêts pour étirer mes mollets, mes quadriceps me font tellement mal que je cours avec mes mollets. Après des moments de marche et d'arrêts, les redémarrages sont toujours pénibles ! ! A chaque pas la douleur nous empêche d'avancer, nous sape le moral. A chaque pas mon corps se révolte …
Le chrono défile inlassablement tandis que les kilomètres deviennent interminables, j’ai impression que tout tourne au ralenti, on avance sans jamais voir les panneaux kilométriques. La route devient longue, longue, très longue.
Le bois de Boulogne ressemble au royaume de Hadès où les coureurs errent en cortège les uns à la suite des autres.
J'ai froid avec la baisse de l'activité physiologique, j'essaie donc de courir sous le soleil pour éviter de rester chez Hadès et retrouver la lumière.
Le temps m'importe peu, tout ce que je veux, c'est avancer, avancer, toujours avancer, chaque pas me rapproche de l'arrivée, me rapproche de la délivrance. J’avance péniblement, mais j’avance.
Acte VII : la renaissanceJe suis toujours en errance sur le bas côté de la route. Puis tout d'un coup j'aperçois le dossard "
Courir pour un meilleur futur" qui me dépasse, je fais un effort pour le rejoindre, je tapote le dos du coureur et là je m'aperçois que c'est Gilles !
Gilles est assez mal en point avec un regard hagard, il souffre beaucoup, je me demande s’il sait qui je suis, mais il arrive toujours à courir.
Un extrait du
récit de Gilles de notre rencontre :
« […]
je suis un zombie qui n'a qu'une chose en tête, TERMINER! Je sais que si je marche ne serait-ce qu'un mètre c'est foutu pour les 4 heures.
Plus j'avance plus c'est dur et dans ma tête mes ambitions commencent à baisser, je me dit que les 4 heures ça sera pour une prochaine fois, le principal étant de terminer. Et là le miracle, un truc inattendu, quelqu'un touche mon dos avec insistance, je tourne légèrement ma tête et aperçoit karatekoud75. Il me dit : " tu souffres mais suis moi ! Tu es sur la base des 4 heures ! " Il me parle, m'encourage, prend mon ravitaillement du km40 (m’évitant la marche fatale) […] ».
En me voyant Gilles m'a dit : "Qu'est ce que tu fais ici? Tu n'as pas fini?". A la suite de notre discussion après la course: à ce moment Gilles croyait que j’avais fini le marathon et que je suis revenu l’aider !
Je lui raconte rapidement ce qui m'est arrivé.
Je jette un coup d'oeil sur mon chrono et je me suis dit que Gilles est dans les temps pour faire moins de 4h, il faut qu'il s'accroche, il ne faut pas qu’il laisse tomber son objectif. Gilles courait sans chrono, il savait simplement que le meneur d’allure des 4h est derrière.
Je décide d'aider Gilles pour son objectif en donnant tout ce que j'avais pendant quelques instants pour l'encourager. Au début je pensais que je pourrai tenir que quelques centaines de mètres. A force de courir je recommence à retrouver mes jambes, mes douleurs s'atténuent, mes foulées sont plus aisées. Me fixer sur l’objectif d’aider Gilles à finir son marathon en sous de 4h, m’aide à retrouver mes jambes.
Et là miracle j'arrive à recourir, je souffre moins. Pourtant il y a quelques instants j'étais au bord du gouffre, chez Hadès. Je réalise à quel point le soutien mental est important. Comment le mental peut prendre le dessus sur les douleurs, les souffrances.
Gilles m'a aidé à ne pas terminer mon premier marathon en marchant, MERCI ! On s'est soutenu mutuellement dans ces derniers kilomètres.
Cette rencontre est vraiment inattendue et salvatrice, cela nous a aidé mentalement à surmonter nos souffrances. Sans le dossard de « Courir pour un futur meilleur » je n’aurais jamais reconnu Gilles. Le simple geste de porter un dossard pour aider une cause, nous aide en retour.
Notre récompense d’avoir aidé l’association
Aide et Action en portant un dossard lors de la course !
En retrouvant mes jambes j'aurais pu me lâcher sur le dernier kilomètre pour gagner les quelques seconds qui me permettent de descendre en sous de 4h mais j'ai préféré rester à côté de Gilles afin de terminer le marathon ensemble et gagner notre combat contre les dieux de l'Olympe ensemble.
Terminer ensemble, être solidaire vaut bien plus que tout! Cet entraide mutuelle vaut bien plus que le chrono, les quelques seconds.
La solidarité, l'amitié et l'entraide m'ont permis de surmonter mes douleurs, mes souffrances et aller au delà de mes capacités physiques ...
EpilogueEnsuite arrive la dernière ligne droite qui marque la salvation, l'arrivée : l’exultation, la joie, la jubilation, le bonheur d'avoir terminé, d'avoir effectué 42,195 km! De ne pas avoir abandonné! D'être allé au bout de soi même. J’ai vaincu les dieux de l’Olympe j’ai surmonté leurs piège, j’ai traversé le royaume de Hadès afin de rentrer dans le royaume de Phidippidès comme le dit Fran.
Gilles a terminé son marathon en moins de 4h (3h56mn34sec).
Après la course :
Mes jambes sont complètement HS, je ne pourrais pas courir plus, j'ai du faire des gros efforts pour enfiler mon jogging et renfiler mes chaussures. Rentrer en métro c'est un supplice ! Je descends les escaliers à reculons, je monte les escaliers pas à pas en me tenant à la rambarde. Je n'arrive pas à me baisser, je n'arrive pas à m'asseoir, je me lève en m'aidant de tous les supports possibles. J'ai mal en dormant, le moindre mouvement de jambe me réveille.
Le jour d'après, mes jambes sont dans un même état, je vais au travail en vélo et je m'aperçois enfin de l'utilité d'avoir autant de vitesse, le plus petit plateau sert vraiment !
Au travail : alerte d'incendie et 6 étages à descendre! Heureusement que pour remonter on avait les ascenseurs.
Deux jours après, mes jambes sont toujours douloureuses, mes fibres musculaires sont sérieusement endommagées et enflammées. La souffrance n’a pas encore fini … :), les dieux ne nous laissent pas les vaincre si facilement.
En me fixant l’objectif de 3h30, j'ai voulu tester mes limites et je ne suis pas déçu. J'ai vécu intensément mon premier marathon et je ne souhaiterai changer aucun moment. Si c'était à refaire j'aurais adopté la même stratégie en début de course. Je suis heureux que tous mes efforts depuis août aient porté leurs fruits.
Veni, vidi, vici. Et je reviendrai !
Merci pour les spectateurs, les bénévoles et les coureurs qui m'ont encouragé lorsque j'étais au plus bas ! Merci Gilles !
L'ambiance est vraiment extraordinaire. Une expérience à vivre ! Une aventure humaine intense et inoubliable !
Pour conclure mon récit, je reprends la citation de Emil Zatopek :
"Great is the victory, but the friendship of all is greater."